Fertigation du melon et de la pastèque
Fertigation du melon et de la pastèque
Calcul des solutions nutritives
Cas du Tafilelt et de Meknès
(Pr. Ahmed Skiredj)
(Département d'Horticulture/IAV Hassan II/ Rabat/ Maroc)
Institut Agronomique et vétérinaire Hassan II
BP 6202 Rabat Instituts (Département d'horticulture)
I- Spécificités de la nutrition hydrique et minérale :
A- Cas de la culture de melon:
Le melon est exigent en sol bien drainant, de texture moyenne, bien travaillé en profondeur. Il est sensible à la salinité et aux carences en Mg, Mn, Fe et Mo. La demande de la plante en éléments nutritifs est accélérée à la nouaison. Pour un rendement de 40 T/ha, le melon exporte les quantités suivantes: 250 kg/ha de N + 140 kg/ha de P2O5 + 400 kg/ha de K2O + 400 kg/ha de CaO + 80 kg/ha de MgO. De grandes anomalies de floraison (mâle et femelle) et de nouaison apparaissent en cas de mauvaise alimentation azotée,
phosphatée, potassique et magnésique. La potasse améliore la qualité des fruits (taux de sucre, calibre, résistance au transport). L'alimentation hydrique doit être uniforme pour le melon, sans à-coups. On irrigue à 100 % ETM le long du cycle cultural; tous les stades sont critiques: mi croissance, floraison, nouaison et grossissement. En général, on calcule la dose d'irrigation en se basant sur un coefficient cultural constant (Kc= 0,75), qu'on multiplie par l'évapor- transpiration de référence Et° de chaque jour.
La fertilisation de la culture doit être raisonnée en prenant en considération le fait que la croissance végétative, la formation des racines et des ramifications peuvent avoir lieu en même temps que la floraison, nouaison, fructification et grossissement des fruits. Une mauvaise alimentation de la culture en eau et en éléments nutritifs risque de déséquilibrer la plante qui réagit, soit par une coulure de ses fleurs, soit par avortement de ses fruits, soit par une autre anomalie de grossissement ou de maturation des fruits.
B- Cas de la culture de pastèque:
La pastèque est moins exigeante en eau que le melon, mais la production n'exprime ses potentialités maxima qu'avec 11 ou 12 irrigations par cycle cultural ; le pic d'exigence en eau se situe entre la 3 ème et la 7 ème décade après semis ; celui-ci est direct, en poquets ; la plante ne tolère pas la transplantation à racines nues. La culture tolère l'acidité (pH 5-6,8) et exige un travail profond de sol, pouvant permettre aux racines d'explorer un volume de sol de plus d'un mètre de diamètre. Plus le système radiculaire est profond et ramifié, plus la plante tolère la sécheresse, en particulier en période post florale.
Pour une production de 60-70 T/ha, la culture exporte kg/ha de N ; kg/ha de P2O5 ; kg/ha de K2O ;
II- Echantillonnage du sol :
Avant de fertiliser un sol, il est recommandé d'en prélever des échantillons représentatifs et de les envoyer à un laboratoire spécialisé pour les analyser et déterminer les réserves nutritives qu'ils contiennent, la fertilité du sol et les anomalies alimentaires susceptibles de gêner la nutrition de la culture. Un échantillon mal prélevé ou non représentatif sera interprété selon les résultats de l'analyse qui risquent de ne pas refléter la réalité du terrain. Il est donc recommandé de laisser le soin aux techniciens spécialistes pour faire le prélèvement du sol.
La procédure est grossièrement la suivante: on fait une cartographie générale du sol afin de déterminer les différentes zones du terrain. Ces zones sont généralement connues par l'exploitant. En marchant sur le terrain, un connaisseur sent les différences entre ces zones. Chaque zone fera l'objet d'un prélèvement indépendant d'une autre zone. Selon sa taille, un à deux échantillons doivent suffire pour représenter la zone. Chaque échantillon fera l'objet d'une dizaine de prélèvements, effectués à différents endroits choisis au hasard et à différentes profondeurs du sol. Ces profondeurs dépendent de la nature de la culture. Pour le melon, une profondeur de 30 cm suffit. Pour la pastèque, on fait des prélèvements sur une profondeur de sol de 40-60 cm. On mélange ensuite les prélèvements dans une grande bassine et on en prélève une quantité de 1 kg de sol; c'est le premier échantillon. On refait la même chose pour former le 2ème échantillon. Puis on passe à la zone suivante et ainsi de suite jusqu'à ce que le terrain soit entièrement représenté. On prend le soin de mettre une étiquette à l'intérieur du sachet plastique qui contient l'échantillon de 1 kg de sol. Une autre étiquette est collée à la surface du sachet. Un croquis des zones du terrain doit être fait, en représentant les points des prélèvements et les numéros des échantillons qui correspondent aux zones du terrain. En général, les résultats des analyses des répétitions par zone doivent se ressembler sinon, il y a certainement une erreur, soit de prélèvement, soit de marquage sur le croquis, soit, mais rarement, de l'analyse chimique. Il est recommandé de faire le minimum de zones sur une parcelle donnée afin de faciliter l'élaboration des plans de fumures ; l'idéal est d'arriver à l'élaboration d'un seul plan de fumure par parcelle.
III- Interprétation générale des analyses de sol :
A- Granulométrie et teneur du sol en calcaire:
Elle est indispensable pour apprécier et interpréter la plupart des données des analyses. La répartition granulométrique de la terre fine permet de classer les sols en argiles, limons et sables. Différents qualificatifs peuvent être ajoutés, exemple: sol argilo- limoneux calcaire (si le sol contient 700 g/kg de limon + 300 g/kg d'argile, avec un dosage de 5 à 30 % de calcaire total). Un sol qui dose moins de 5 % de CaCO3 n'est pas calcaire. S'il en dose plus de 10 %, il est calcaire; il faut analyser alors le taux de calcaire actif.
Plus le sol est calcaire, plus l'absorption du fer et du manganèse est inhibée (jaunissement des feuilles et nécrose). Il y a de grandes différences de tolérance au calcaire entre cultures: le fraisier n'est pas tolérant ; son seuil maximal de tolérance est de 70 g CaCO3/kg de sol, soit 7 %; l'artichaut tolère plus de 150 g de CaCO3/kg de sol, soit plus de 15 % ; le melon présente une faible tolérance de moins de 10 %. La pastèque tolère encore moins le calcaire que le melon ; il vaut mieux éviter la culture de pastèque sur un terrain calcaire.
B- Le pH (potentiel hydrogène ; acidité ou alcalinité du sol):
Pour les sols cultivés, le pH est compris entre 4 (très acide) et 9 (très alcalin). Le laboratoire donne deux pH: à eau et à KCl. Ce dernier est toujours inférieur au premier. Dans les sols très acides, la différence est de 1 unité (exemple: pH eau = 5,5; pH KCl = 4,5). En général, il y a 0,5 unité de différence entre les 2 pH. Si l'écart entre les 2 pH est inférieur à 0,5, il faut se méfier de la salinité; le sol contient alors une grande quantité d'éléments solubles. Les pH trop élevés doivent être réduits par des apports de soufre (1-2 q de S/ha) lors de la culture. Des pH trop bas doivent être corrigés par des apports de chaux et amendements calciques et magnésiens. Le melon et la pastèque n'exigent pas de tels apports de chaux, en général. En cas de pH très bas et de faibles teneurs du sol en Calcium (moins de 5000 ppm Ca++), le risque de nécrose apicale est élevé sur les fruits ; il est alors recommandé de faire deux à trois pulvérisations foliaires de calcium (nitrate de calcium 5% ; Ret- Ca ou autre produit riche en calcium).
C- La salinité:
C'est la quantité de sels minéraux qui se trouvent dissous dans la solution de sol. La salinité varie avec la teneur en eau d'un sol et avec la température. Un sol sec (avec une même quantité de sel) est plus salin qu'un sol humide (sel dilué). A froid, les ions ne se déplacent pas aussi rapidement en solution de sol qu'à haute température. Dans un milieu chaud, le risque de salinité est plus élevé qu'en milieu froid. Au laboratoire, les mesures se font à 20 °C. On mesure la résistivité ou la conductivité de la solution: plus la salinité est élevée, plus la solution conduit l'électricité, plus la conductivité électrique (EC) est élevée. Pour les mesures, on utilise les unités suivantes: g de sels/litre d'eau ou de solution de sol diluée au 1/5 ème ; dS/m (désiemens/mètre) = mmhos/cm (millimohs/cm). La relation entre le millimohs/cm et le g/l dépend de la nature du sel. Pour le NaCl, par exemple, 1 millimohs/cm = 0,6 g/l ; pour un mélange de sels, 1 millimohs/cm = 0,8 à 0,9 g/l. Un sol sableux contient beaucoup moins d'eau à sa capacité au champ qu'un sol argileux; une EC de 1 mmhos/cm présente déjà un risque pour un sol léger alors qu'elle ne présente aucun problème pour un sol argileux. La matière organique augmente la capacité au champ d'un sol. Plus la MO d'un sol est élevée, plus ses réserves en eau augmentent, plus le risque de salinité est affaibli par dilution.
D- Rapports souhaités entre K, Ca et Mg du sol:
1- Effet du calcaire :
Le calcaire réduit la disponibilité de la potasse et de la magnésie aux plantes. En présence du calcaire, il est recommandé de majorer les apports de potasse et de Mg. De même, l'argile fixe le potassium et le rend moins disponible aux plantes. Plus le sol est argileux, plus l'apport de K doit être majoré.
En terre calcaire, il est souhaitable que la teneur du sol soit de l'ordre de 10 mg K2O/ % d'argile, exemple: un sol de 25 % d'argile, doit contenir 10 x 25= 250 mg K2O/kg= 250 ppm K2O. Un tel sol calcaire qui contient 250 ppm de K2O est bien pourvu en cet élément; il est recommandé de ne pas y faire d'apport potassique pour le redressement de sa fertilité ; on le fera pour restituer les exportations minérales de la culture.
En terre non calcaire, la teneur souhaitable de K2O dans le sol doit être de l'ordre de 7 mg par pourcentage d'argile (exemple: un sol de 25 % d'argile, doit contenir 25 x 7= 175 ppm K2O (mg par kg de terre sèche)
2- Effet de Mg :
La teneur du sol en Mg doit être en équilibre avec celle du potassium. Si la teneur du sol en potasse est normale, celle en Mg sera jugée selon le rapport K2O/MgO qui doit être de 0,33 à 1 (pour chaque unité de K2O, un sol équilibré doit doser 1 à 3 unités de MgO). Un sol qui contient 100 ppm K2O, par exemple, serait équilibré s'il contient aussi 100 à 300 ppm MgO. Un rapport plus faible que 0,33 signifie un excès en Mg; cet excès risque de bloquer l'absorption de K et de Ca par les plantes. Il faut alors majorer les apports potassiques et calciques. Un rapport plus élevé que 1 signifie une carence induite en Mg. Il faut alors majorer l'apport de Magnésium. Lorsque le calcul donne une forte quantité de K2O ou de MgO à apporter pour corriger l'équilibre, il est préférable de limiter l'apport afin qu'il soit économiquement tolérable par la trésorerie de l'exploitant et de procéder à l'apport de l'élément déficitaire par deux ou trois pulvérisations foliaires.
3- Effet de Ca :
La teneur optimale du sol en CaO est de l'ordre de 5000 à 7000 ppm pour les cultures maraîchères. Une teneur inférieure à 5000 ppm CaO provoque un désordre physiologique comme la nécrose apicale de la tomate, melon ou pastèque, par exemple. Une teneur supérieure à 7000 ppm CaO doit être interprétée par rapport aux teneurs du sol en K2O et MgO. Pour des teneurs normales du sol en K et Mg, la teneur en Ca sera jugée selon le rapport MgO/CaO qui doit être de 0,08 à 0,1 (pour 1 unité de MgO, le sol doit contenir 10 à 12 unités de CaO). Un rapport inférieur à 0,08 signifie un excès en Ca ; il faut alors corriger le sol en majorant les apports en K et Mg. Un rapport supérieur à 0,1 signifie une carence induite en Ca, à corriger soit par un apport de chaux au sol s'il n'est pas calcaire soit par des pulvérisations foliaires à base de calcium si le sol est calcaire.
4- Considération sociale et économique :
Le contexte social de l'exploitation doit être pris en considération lors du raisonnement des plans de fumures. En effet, on ne recommande pas à un exploitant de redresser la fertilité de son terrain d'un faible niveau à un niveau relativement élevé en une seule année, surtout si le terrain ne lui appartient pas et n'est qu'un terrain de location, par exemple. Le redressement de la fertilité du sol prendra aussi en considération le degré d'intensification de la culture ; on peut se permettre de proposer de bien relever cette fertilité pour une culture sous serre puisque le coût supplémentaire des engrais ne représente pas une part élevée des charges, mais pour une culture de saison, de plein champ, de faibles productivité et revenu, toute élévation des coûts des intrants marque une augmentation sensible du coût de production sans qu'elle ne soit certainement suivie d'une amélioration du revenu qui dépend plutôt de facteurs commerciaux, non techniques. Par conséquent, il n'est pas recommandé de relever fortement la fertilité du sol dans des conditions de faible intensification culturale.
E- Teneur en phosphore:
La teneur souhaitable, en général, est de l'ordre de 70 mg P2O5/kg de terre sèche. Pour les cultures de saison, de plein champ, peu intensives, on se contente d'une teneur de 50-60 ppm P2O5; c'est le cas du haricot vert, melon, pastèque, concombre et pomme de terre. Pour les cultures relativement plus intensives, de cycle biologique plus long, la teneur souhaitable est de l'ordre de 70-80 ppm P2O5 ; c'est le cas de la tomate, du poivron et de l'aubergine. Pour les cultures de primeurs, sous protection plastique, la teneur souhaitable de P2O5 doit être relativement plus élevée : 70 ppm P2O5 (melon, pastèque et concombre) à 100 ppm P2O5 (tomate).
IV- Exemples de calcul des fumures :
Pour le melon et pour une production de 40 T/ha, les besoins en N, P2O5 et K2O s'élèvent respectivement à 300, 140 et 400 kg/ha.
• Cas de Tafilelt :
L'analyse de sol d'une exploitation située à Tafilelt donne les teneurs suivantes: 20 % d'argile, 18 % de calcaire, 7 % de calcaire actif, pH 8, EC 0,5 dS/m , 2 % de MO, 20 ppm P, 250 ppm K, 300 ppm Mg et 2000 ppm Ca. L'exploitant n'apportera pas d'amendement organique. La culture de melon est conduite en plein champ, en saison normale.
* MO: pour le melon, la teneur satisfaisante est de 2,5 % MO. La teneur actuelle du sol en MO est donc légèrement faible (2%); il est recommandé de majorer les apports de N par 10 kg/ha pour chaque 0,1% MO de moins par rapport à la norme, soit 50 Kg N/ha pour un taux de MO de 2%. Les prélèvements par la culture, s'élevant à 300 kg N/ha, seront donc à majorer par 50, soit un apport nécessaire de 300 + 50=350 kg N/ha. Si l'agriculteur apporte une fumure organique, il faut estimer les quantités des éléments nutritifs qui seront libérées la première année par cette fumure et les retrancher des apports.
* P2O5: Le sol contient 20 ppm P, soit 2,29 x 20 = 45,8 ppm P2O5. La norme est de 60 ppm P2O5 pour une culture de saison, en sol calcaire. Il faut redresser la fertilité phosphatée du sol de (60 – 45,8) = 14,2 ppm, soit 14,2 kg de P2O5 par 1000 Tonnes de sol, soit 14,2 x 3 = 42,6 Kg P2O5/ 3000 T de sol (si le sol pèse 3000 T/ha sur une profondeur de 25 cm), soit 42,6 Kg P2O5/ha. Les exportations de la culture, s'élevant à 140 kg P2O5, seront majorées de 42,6 Kg P2O5 ; le total à apporter = 140 + 42,6=182,6, arrondis à 180 kg/ha de P2O5.
* K2O: Le sol dose 250 ppm K, soit 1,2 x 250 = 300 ppm K20; l'optimum est de 200 ppm (10 mg x 20 % d'argile, en sol calcaire). Il y a donc un excès de 100 ppm = 100 x 3 = 300 kg K2O/ha. Les besoins de la culture étant de 400 kg K2O/ha, l'apport = 400-300= 100 kg K2O/ha.
* MgO: la teneur de 300 ppm Mg (300 x 1,67 = 500 ppm MgO) semble être normale et le sol semble être équilibré puisque le rapport K2O/MgO= 300/500= 0,6 (compris entre 0,33 et 1). Aucun apport de MgO n'est obligatoire.
* CaO: La teneur de 2000 ppm Ca (1,4 x 2000 = 2800 ppm CaO) semble être faible puisque la norme est de 6000 ppm CaO et le rapport souhaitable MgO/CaO doit être égal à (0,08 à 0,1). Ce rapport est plutôt égal à 500/2800= 0,18. Puisque la teneur en Mg est normale, c'est la teneur en Ca qui est faible. Il est recommandé de faire deux à trois pulvérisations foliaires à base de calcium (nitrate de calcium, par exemple, en période post florale fort exigeante en Ca). Le sol étant calcaire, on ne peut pas recommander un apport de chaux au sol.
Les apports par ha seront donc de:
350 kg N + 180 kg P2O5 + 100 kg K2O + 2 à 3 pulvérisations foliaires Ca.
B- Cas d'un sol de Meknès:
L'analyse de sol d'une exploitation située à Meknès donne les teneurs suivantes: 52 % d'argile, 2 % de calcaire total, pH 8, EC 0,1 dS/m, 1,7 % MO, 5 ppm P, 95 ppm K, 550 ppm Mg et 2680 ppm Ca. L'exploitant n'apportera pas d'amendement organique et conduit sa culture de melon sous tunnels plastiques, en primeurs.
* MO: pour le melon, la teneur satisfaisante est de 2,5 % MO. La teneur actuelle du sol en MO (1,7 %) est donc faible; il est recommandé de majorer les apports de N par 80 kg/ha (10 Kg N pour chaque 0,1 % MO manquant par rapport à la norme de 2,5 % MO). Les prélèvements par la culture s'élèvent à 300 kg N/ha; ils sont à majorer par 80, soit un apport nécessaire de 300 + 80=380 kg N/ha.
* P2O5: Le sol en contient 5 ppm x 2,29 = 11,45 ppm P2O5. La norme est de 70 ppm pour le melon de primeur sous tunnels nantais. Il faut redresser la fertilité phosphatée du sol de (70 – 11,45 = 58,55 ppm P2O5), soit 58,55 x 3 kg P2O5= 175,65 kg P2O5/3000 T de sol/ha. Les exportations de la culture s'élèvent à 140 kg P2O5; le total à apporter = 140 + 175,65 = 315,65 arrondis à 315 kg/ha de P2O5.
* K2O: Le sol en dose 95 ppm x 1,2 = 114 ppm K2O; l'optimum pour le sol de Meknès est de 364 ppm (7 mg x 52 % d'argile, en sol non calcaire). Il y a donc un déficit de (364 – 114 = 250 ppm K20) = 250 x 3 = 750 kg K2O/ha. Les besoins de la culture étant de 400 kg K2O/ha, l'apport = 400 + 750= 1150 kg K2O/ha. Cette quantité semble être trop forte et trop chère pour un agriculteur ordinaire. Il est conseillé de faire le redressement de la fertilité potassique du sol en 3 ans, soit un apport annuel de 750/3 = 250 Kg K2O/ha/an. L'apport final lors de la première année sera donc de 400 + 250 = 650 Kg K2O/ha.
* MgO: la teneur de (550 ppm Mg x 1,67 = 918,5 ppm MgO) semble être excessive puisque la norme est (1 à 3 fois la teneur en K2O, soit 114 à 342 ppm MgO). Si l'on considère que le redressement de la fertilité potassique du sol est effectué (250 Kg K2O/ha/an, soit 250/3= 83 ppm K2O), la nouvelle teneur du sol en K2O serait de 114 + 83 = 197 ppm K2O; le taux souhaitable de MgO serait de 200 à 600 ppm MgO. Or, la teneur actuelle est de près de 920 ppm MgO ; elle est effectivement excessive. On s'attendra donc à des carences induites en potassium et en Calcium. Ces carences seront éventuellement corrigées par des pulvérisations foliaires en KNO3 et Ca(NO3)2.
* CaO: La teneur de (2680 ppm x 1,4 = 3752 ppm CaO) est faible puisque la norme est de 6000 ppm CaO et le rapport souhaitable MgO/CaO doit être de 0,08 à 0,1. Ce rapport est plutôt égal à 918,5/3752=0,24. La carence calcique est donc à la fois réelle et induite par l'excès de Mg. Puisque le pH du sol est élevé, il n'est pas recommandé de faire un redressement de fond du sol par un apport de chaux, mais plutôt un léger apport de nitrate de calcium (1 q/ha), en période post florale afin d'éviter la nécrose apicale des fruits.
Les apports par ha seront donc de:
380 kg N + 315 kg P2O5 +650 kg K2O + 100 Kg Ca(NO3)2
+ 2 pulvérisations foliaires KNO3.
V- Estimation des besoins en eau de la culture :
Le besoin en eau de la culture = ETM= Et° x Kc (coefficient cultural) ; Kc est supposé constant = 0,75 durant tout le cycle. Pour un cycle cultural de Février à Mai, le tableau suivant donne l'ETM de la culture pour les deux régions Tafilelt et Meknès:
Région/mois |
Février |
Mars |
Avril |
Mai |
Total |
mm d'eau/mois |
50 |
80 |
110 |
120 |
360 |
Pour une densité de peuplement végétal de 18000 plants par ha et deux orifices par plant, avec un débit de 1 litre/h/orifice et un espacement de 20 cm entre orifices et 40 cm entre plants dans le rang, une irrigation d'une heure apporte 18000 x 2 = 36 000 litres = 3,6 mm ; le besoin en eau sera alors couvert par 360/3,6 = 100 irrigations moyennes. Ce nombre peut être réduit s'il pleut ou si la durée d'une irrigation dépasse une heure.
Par ailleurs, le cycle cultural du melon est de 110 à 120 jours, ce qui signifie qu'on peut irriguer quotidiennement depuis la plantation jusqu'à la maturation. Durant la phase « maturation- récolte », la dose d'irrigation doit être réduite afin d'améliorer la qualité des fruits et leur teneur en sucres.
VI- Distribution des éléments nutritifs durant le cycle cultural:
La plantation a lieu début Février. La croissance et la production de biomasse végétative occuperont ce mois et se poursuivront durant quelques jours du mois de Mars. Ce dernier sera le mois de floraison, nouaison et début fructification. Durant le mois d'Avril, la fructification et le grossissement des fruits seront effectués, ainsi que la ramification des plantes et la production de biomasse végétative. Durant le mois de Mai, la maturation des fruits de la première vague de fructification, leur récolte ainsi que le grossissement des fruits de la 2 ème vague auront lieu. Chacune des phases précitées sera caractérisée par des exigences particulières en éléments nutritifs. En effet, après plantation et juste après la reprise des plants, ceux-ci doivent subir un léger stress hydrique ou salin afin de favoriser le développement de leur système radiculaire en profondeur ; l'utilisation d'une solution nutritive à EC relativement élevée (1,8 à 2 g/l, sans dépasser 2 g/l pour le melon qui ne tolère pas la salinité) pendant le début de la phase végétative favoriserait le développement radiculaire de la plante. Cette phase végétative exigera plus d'azote et de phosphore que de potasse. La phase de reproduction demande une solution nutritive équilibrée (sans excès de N), pas trop saline, riche en P. La phase de grossissement des fruits exige plutôt une solution nutritive plus riche en K qu'en N et P. Le raisonnement de la distribution des doses de NPK le long du cycle cultural considère à la fois les rythmes d'absorption des éléments nutritifs par la plante et les risques d'anomalies possibles quant au retard d'apport de N (coulure des fleurs et retard de maturation des fruits), de P (retard de floraison et perte de précocité) ou du déséquilibre d'apport de K, Ca et Mg (obtention du petit calibre des fruits ; risque de nécrose apicale, anomalie de coloration et de broderie du tégument du fruit). Le tableau suivant donne une distribution raisonnée des éléments nutritifs, respectivement pour N-P2O5-K2O:
Kg/ha/mois |
Février |
Mars |
Avril |
Mai |
Total |
Phases |
végétative |
Floraison nouaison |
Fructification grossissement |
Grossissement Récolte |
Chevauchement des phases |
Tafilelt (T) |
150-100-10 |
100-50-20 |
60-20-30 |
40-10-40 |
350-180-100 |
Meknès (M) |
150-100-150 |
110-150-220 |
70-50-180 |
50-15-100 |
380-315-650 |
Pour le cas de Tafilelt, par exemple, la faible dose calculée de K2O ne permet pas de respecter l'équilibre « théoriquement souhaitable » entre éléments : (1-0,7-1) en phase de végétation et (1-0,3-2) en phases de grossissement et de pré-récolte. Ces équilibres sont plutôt utilisés en hydroponique. En fertigation sur sol, celui-ci joue un rôle tampon et la notion d'équilibre prend moins d'importance que celle des besoins de la culture en éléments nutritifs et de distribution de doses d'apport d'engrais.
VII- Calcul des engrais et leur distribution le long du cycle cultural :
En fetigation, en général, on utilise les engrais suivants pour leur disponibilité sur le marché marocain : MAP (11% N ; 55% P2O5 ; 60 % de solubilité) ; Ammonitrate (33% N; 190 % de solubilité) et sulfate de potasse (48% K2O; 10 % de solubilité). On commence par le calcul de P à partir du MAP ; celui-ci apporte aussi N qu'on retranche des apports. On recalcule la dose de N et par conséquent la dose d'Ammonitrate et on termine par le calcul du sulfate de potasse. Le tableau suivant donne la distribution des engrais (chiffres arrondis pour une facilité de pesée de l'agriculteur:
Kg/ha/mois |
Février |
Mars |
Avril |
Mai |
Total |
|||||
Régions |
T |
M |
T |
M |
T |
M |
T |
M |
T |
M |
MAP |
180 |
180 |
90 |
270 |
40 |
90 |
20 |
30 |
330 |
570 |
Ammonitrate |
390 |
390 |
270 |
240 |
170 |
180 |
110 |
140 |
940 |
950 |
Sulf.K2O |
20 |
310 |
40 |
460 |
60 |
380 |
80 |
210 |
200 |
1360 |
Total |
590 |
880 |
400 |
970 |
270 |
650 |
210 |
380 |
1470 |
2880 |
T= Tafilelt ; M= Meknès.
VIII- Calcul des concentrations des solutions nutritives :
Le tableau suivant donne les concentrations des engrais dans les solutions nutritives filles qui peuvent être confectionnées une fois par mois (pour un ha).
Engrais/mois |
Février |
Mars |
Avril |
Mai |
Total |
|||||
Régions |
T |
M |
T |
M |
T |
M |
T |
M |
T |
M |
Kg engrais/ha/mois |
590 |
880 |
400 |
970 |
270 |
650 |
210 |
380 |
1470 |
2880 |
Apport d'eau (mille l/mois) |
500 |
500 |
800 |
800 |
1100 |
1100 |
1200 |
1200 |
3600 |
3600 |
Concentration engrais (g/l) |
1,18 |
1,76 |
0,5 |
1,21 |
0,24 |
0,59 |
0,17 |
0,32 |
0,41 |
0,8 |
Si l'on tient compte de la salinité de l'eau d'irrigation (0,6 g/l pour l'exploitation de Tafilelt et 0,1 g/l pour Meknès, les concentrations finales des solutions nutritives filles seront données par le tableau suivant :
Engrais/mois |
Février |
Mars |
Avril |
Mai |
Total |
|||||
Régions |
T |
M |
T |
M |
T |
M |
T |
M |
T |
M |
Concentration engrais (g/l) |
1,18 |
1,76 |
0,5 |
1,21 |
0,24 |
0,59 |
0,17 |
0,32 |
0,41 |
0,8 |
Concentration solutions nutritives filles (g/l) |
1,78 |
1,86 |
1,1 |
1,31 |
0,84 |
0,69 |
0,77 |
0,42 |
1,01 |
0,9 |
Les concentrations salines, relativement fortes et stressantes, utilisées en Février (1,8 g/l) seront favorables à l'enracinement profond de la culture. La production de la biomasse végétative serait en équilibre avec celle des racines, ce qui est très important, surtout pour une culture conduite sous tunnels plastiques en période froide. Les agriculteurs procèdent, en général, en stressant les plantes par un retard de la 2ème irrigation qui suit celle de la plantation. En Mars, les conditions climatiques sont en général favorables pour une croissance végétative rapide. Il faut éviter que cette croissance soit excessive par rapport à celle des racines; une EC moyenne de 1,1 à 1,3 g/l s'impose pour piloter la fertigation. En Avril, il y a un chevauchement des productions des biomasses végétative, radiculaire et des fruits de la première vague de fructification. EC ne doit pas être élevée.
C'est ainsi que durant les trois premiers mois, Février, Mars et Avril, les solutions nutritives peuvent être apportées quotidiennement avec l'eau d'irrigation. Au mois de Mai, par contre, les valeurs des concentrations semblent être faibles alors que la culture est en phase de grossissement des fruits; une EC élevée de 1,8 à 2,2 g/l est plutôt favorable à la concentration des sucres dans les fruits. Il n'est donc pas recommandé de ferti-irriguer quotidiennement en Mai. La fertigation pratiquée une fois par semaine serait plutôt bénéfique.
IX- Estimation du volume du bac nécessaire pour faire le mélange des engrais:
Pour déterminer ce volume, on se basera sur le mois pendant lequel les apports d'engrais sont les plus élevés, c'est le mois de Février pour Tafilelt (apport de 590 kg ) et Mars pour Meknès (apport de 970 Kg ). Le tableau suivant donne les solubilités des engrais utilisés et les volumes d'eau nécessaires à leur solubilisation:
Engrais/mois |
Février (Tafilelt) |
Mars (Meknès) |
solubilité |
Volume d'eau (l / jour) |
|||
Kg d'engrais/ha/ |
mois |
jour |
mois |
jour |
% |
Tafilelt |
Meknès |
MAP |
180 |
6,4 |
270 |
8,8 |
60 |
10,67 |
14,67 |
Ammonitrate |
390 |
13,9 |
240 |
7,7 |
190 |
7,31 |
4,05 |
Sulf.K2O |
20 |
0,7 |
460 |
14,8 |
10 |
7,02 |
148 |
Total |
590 |
21 |
970 |
31,3 |
- |
25 |
166,72 |
A Tafilelt, il faut avoir un bac de 30 litres pour confectionner une solution mère de 25l.
A Meknès, il faut avoir un bac de 200 litres pour confectionner une solution mère de 167l.
X- Calcul du taux d'injection correspondant à une concentration optimale:
Le taux d'injection auquel sera réglée la pompe doseuse est déterminé selon la valeur souhaitée de EC de la solution nutritive fille. En effet, pour EC = 1,18 g d'engrais/l d'eau = 1,18 Kg/m3 d'eau (valeur souhaitable pour Tafilelt en Février), le taux d'injection de la pompe doseuse est calculé de la manière suivante :
L'objectif est de 1,18 kg d'engrais ----------- à 1 m3 d'eau
Le calcul a donné 21 kg (par jour) ------------ à V= 21/1,18 = 17,8 m3 d'eau
Le volume de la solution mère de 25 l doit être injectée dans 17,8 m3 d'eau pour fabriquer la solution fille.
Le taux d'injection est donc de 25 l/(17,8 x 1000 l) = 1,4 pour mille
Pour Meknès, l'objectif en Mars est une EC = 1,21 g d'engrais/l = 1,21 Kg d'engrais/m3 d'eau. Les engrais solubilisés par ha et par jour sont de 31,3 Kg et le volume de la solution mère est de 166,72 litres. La règle de 3 est posée de la manière suivante:
L'objectif = 1,21 kg ----------- à 1 m3 d'eau
Le calcul a donné 31,3 kg d'engrais (par jour) ------------ à V= 31,3/1,21 = 25,9 m3
Le volume de la solution mère de 166,72 l doit être injectée dans 25,9 m3 d'eau pour avoir la solution fille.
Le taux d'injection est donc de 166,72 l/(25,9 x1000 l)= 6,44 pour mille
XI- Temps de vidange du bac:
Une irrigation dure 1 h et apporte 36.000 litres d'eau.
* Pour apporter 17,8 m3 d'eau = 17800 litres (Tafilelt), il faut un temps de 17800/36000= 0,49 h = 30 minutes.
* Pour apporter 25,9 m3 = 25900 litres d'eau (Meknès), il faut un temps de 25900/36000 = 0.72 h = 43,2 mn.
Une fois la fertigation est déclanchée, le bac de 25 litres sera vidé en 30 mn (Tafilelt)
celui de 166,72 litres (Meknès) sera vidé en 43 minutes
selon les taux d'injection respectifs de 1,4 et de 6,4 pour mille.
XII- Mélange des engrais:
Tous les engrais utilisés peuvent être mélangés en même temps puisqu'il n'y a pas de d'incompatibilité entre eux.
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